Les années 70 étaient l’âge d’or de la musique. Tu as sûrement déjà entendu cette phrase quelque part. “Le son était mieux dans les années 70″,”Aujourd’hui, on surcompresse les morceaux, tout se ressemble” ou encore “Dans les années 70, on respectait plus le son, c’était authentique et vrai”. Vérité ou truc de nostalgique ? On va essayer de trouver quelques explications scientifiques et sociologiques à tout ça !
Le son des années 70 : pourquoi on envie tant cette décennie ? Les bases des techniques de studio actuelles
Pour commencer, ce sont les décennies 70’s qui ont posé les bases de l’ingénierie sonore et des techniques de production actuelles. Dans les années 65-70, c’est le début de l’enregistrement multipiste. A l’époque de l’enregistrement sur bande, on passe de 8 pistes à la fin des années 60 à 16,24 puis 32 pistes. On constate aussi une amélioration nette du rapport signal/bruit, qui marque un grand progrès dans le son des morceaux.

On note également le vrai début de la stéréo ! Le concept de spatialisation était relativement binaire à l’époque (Droite ou gauche). On peut s’en rendre compte rapidement en écoutant California Dreamin’ (1965) en se bouchant l’oreille gauche, puis la droite. Ce sont carrément deux morceaux différents !
Avec l’apparition de la stéréo, les ingé sons ont dû s’adapter. Comme dans toute période de transition, il fallait toujours coller à l’ancien système. Il fallait que la musique sonne aussi bien sur les radios et télés monophoniques que sur les nouveaux systèmes d’écoute stéréo. C’est de là qu’est né le concept “mixer en mono” pour garantir un bon équilibre sonore avant de penser à sa stéréo. Cette technique a certainement influé sur le son des morceaux mixés à l’époque. Car ce que l’on peut dire, c’est que ça sonne plus “bloc”. C’est la signature du son des années 70.

Comme les bandes magnétiques pour l’enregistrement du signal, TOUS les circuits étaient analogiques. Des tables de mixage de la taille d’une armoire permettaient de régler le son sous toutes ses facettes… Même les magnétophones prenaient de la place (les deux magnétophones ci-dessus témoignent des mètres carrés qu’il fallait pour un studio d’enregistrement) A l’époque, on n’achetait pas des plugins mais des “tranches de console”.
Neve
1073 DPX Dual Preamp & EQ
Il faut avouer que le son des 70’s a quelque chose de spécial. Il est sans fioriture. Le son des années 70 était mieux ? Peut être pour certains, mais pas pour d’autres.
Là où beaucoup de nostalgiques se rejoignent, c’est qu’on ne pouvait pas tricher à l’époque. Un compresseur ou un EQ, c’était 5 potards à bouger manuellement, pas de presets, pas de réglages automatisés. Donc pour gagner du temps, il fallait parfaire ses réglages et ne pas empiler trop d’effets inutiles. On peut donc dire qu’il y avait quelque chose d’élitiste et une certaine maîtrise à avoir pour mixer ! Le placement des micros, le réglage fin de chaque outil à connaître sur le bout des doigts et le choix du matériel avait toute son importance.
Le son des années 70 était plus coloré qu’aujourd’hui ? ▷ La coloration
Un son coloré, c’est quoi ? Imaginons une photo sur laquelle on vient appliquer un filtre pour en modifier l’apparence. Vintage, chaud, froid… En son, cela fonctionne exactement de la même manière. Le son d’origine d’une source, captée par un micro, est dit “coloré” lorsque sa restitution est différente de l’original, moins transparente.
Dans les 70’s, le son était naturellement coloré d’harmoniques et de fréquences en tout genre car on n’était pas encore capables de restituer le son avec les équilibres que l’on connaît aujourd’hui. C’est certainement de là que vient le mythe de “son chaud”, et pas pour rien que l’on associe le son des 70’s avec la fameuse “coloration analogique” !
Une autre raison qui explique la “chaleur et la couleur” des sons des 70’s est la présence dominante des fréquences mids dans le son. Les low mids/mids (150-800Hz) étaient bien plus présents que leurs copains basses à l’époque (50 à 100Hz). Plus difficiles à produire et capricieuses à traiter, les basses ont attendu l’arrivée de l’électronique/numérique et du CD dans les années 80 pour se faire une place plus importante dans le spectre fréquentiel des morceaux. On pense surtout au kick-snare très boomy, large et rebondissant de morceaux iconiques des 80’s comme :
Aujourd’hui, on peut colorer un son en le saturant (= en lui rajoutant des harmoniques plus hautes que sa fondamentale) ou en modifiant directement son spectre de fréquences avec un EQ. Bien que la définition de ce qu’est un son coloré se débat, on pourrait dire que c’est “tout ce qui sort d’un équilibre parfait et neutre”. Et pour ce qui concerne le “son chaud”, voici un article de Julien Bitoun qui traite entièrement le sujet ! 👉 Un son chaud, qu’est ce que c’est ?
L’éternel cycle : produire en HQ… Pour finir par colorer en vintage en imitant le son des années 70.
Globalement, et on peut le dire, on n’est jamais contents. En ingénierie sonore, il y a un compromis à trouver entre “couleur” et fidélité de la reproduction.
Tout ce qui reproduit le son de manière “trop” fidèle a tendance à être transparent et dénué de style. C’est aussi pour ça qu’on achète toujours du matos Hi-Fi aujourd’hui. Car oui, les systèmes de monitoring sont certainement les meilleurs sur le marché en terme de restitution sonore mais ont tendance à manquer de “caractère” lorsqu’on veut écouter de la musique.
Genelec
8331 AP
Focal
Trio11 Be Red Burr Ash
Neumann
KH 310 A right
C’est ce qu’on reproche en partie au numérique. La reproduction d’un son numérique est globalement plus équilibrée en terme de fréquences et a tendance à faire sonner le tout “plus froid”.
Les micros à condensateur ont tendance à avoir une réponse en fréquence relativement équilibrée, c’est pour cela que nombre d’ingé sons apprécient “salir ou colorer” leurs pistes en ajoutant de légères saturations dessus. Le tout avec des plugins ou des circuits analo !
SSL
Fusion
SSL
Fusion Full Bundle Download
SSL
Pure Drive Quad
La mode et la tendance est aussi à prendre en compte dans ce cercle infini de “je veux plus de transparence et de détail” -> “je veux plus de style”. La preuve avec la photo argentique qui connaît un énorme succès (sans parler des vinyles), alors que la photo numérique reste infiniment plus précise ! On veut revenir à quelque chose de plus “authentique” aujourd’hui, après quelques années à avoir cherché la démesure. c’est un cycle, et le son des années 70 revient en force.
Pourquoi le son “était plus chaud” et plus vivant dans les années 70 ? – la glorification du vintage
Actuellement, nos moyens de production permettent de fabriquer plus vite et plus compliqué qu’on le faisait dans les années 70. Une voiture va avoir 50 options différentes, une électronique embarquée avec des réglages fins et des options que l’on n’utilisera peut être jamais. Et pour garder un coût abordable et dans le marché, l’économie est faite sur les matériaux, qui coûtent toujours un peu plus cher car pas disponibles en illimité. Une grande partie de la production est produite à l’étranger, et on a du mal parfois à tracer les matières premières, etc…
Bref, lorsque beaucoup d’entre nous disent “avant, c’était plus solide”, “le matériel tenait dans le temps”, “avant, c’était simple à réparer”,
on constate que souvent, on pense aux années 70-80 qui ne lésinaient pas sur le métal et la qualité des matériaux. On a donc associé cette période à “c’était solide”, aka “ça valait quelque chose”. On pense à la production musicale qui se faisait exclusivement en studio et qui était relativement rare; si on la compare à la production musicale d’ajourd’hui et des milliers de sons qui sortent chaque jour sur les plateformes. De l’ère de la quantité, on est nostalgique de l’ère perçue de la “qualité”
Si on rajoute la mode du vintage dans l’équation, sachant que c’est devenu un véritable style, on comprend pourquoi on glorifie tant les 70’s. Les micros vintages et circuits véritables se vendent aujourd’hui à prix d’or. Jette un oeil au prix de ce U67 de chez Neumann (c’est une réédition) 👇
Neumann
U67 Set
Conclusion : Le son des années 70 ▷ C’était mieux avant ?

Il faut évidemment nuancer le propos, on ne peut pas affirmer que “c’était mieux avant” de manière si générale. On n’avait pas accès à autant de choses, l’accès à l’information était différent…
Pour ceux qui écoutaient de la musique en 80, dites nous si dans les années 80, vous trouviez le son des années 70 démodé et has been !
N’oublions pas que dans quelques années, l’esthétique qui pourrait devenir canon serait l’esthétique vintage années 2000 et le son “mp3” ! Dans le doute, gardons nos CDs et nos lecteurs radios 😉
Si il faut compter 30 ans pour que la mode revienne, attendons 2035…
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